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Visionnaire
chrétienne née à Caserta en
Italie le 14 mars 1897 et décédée le
12 octobre
1961, à l'âge de 64 ans. Son oeuvre en 10 volumes
«L'Evangile tel qu'il m'a été
révélé» rassemble
l’ensemble de ses
visions, dont voici un extrait relatif à l’enfance
du
Christ.
L’annonciation
.
Marie, une
très jeune
adolescente - quinze ans au plus à la voir - est dans une
petite
pièce rectangulaire.
Contre le plus long
des deux
murs, se trouve le lit : une couchette basse, sans rebords couverte de
nattes ou de tapis. Sur l'autre mur, une étagère
avec une
lampe à huile, des rouleaux de parchemin, un travail de
broderie
soigneusement plié. A côté, vers la
porte qui est
ouverte sur le jardin, mais couverte d'un rideau qu'un vent
léger remue, est assise sur un tabouret bas la Vierge.
Elle file du lin
très
blanc et doux comme de la soie. Le petit visage, jeune est si beau, si
beau, légèrement courbé, avec un
léger
sourire, comme si elle suivait quelque douce pensée.
Un profond silence,
dans la
petite maison et le jardin. Une paix profonde, tant sur le visage de
Marie que dans son environnement
Le milieu
très humble a
quelque chose d'austère et en même temps de royal
à
cause de la netteté et du soin avec lequel sont
disposées
les étoffes sur le lit, les rouleaux, la lumière,
le
petit broc de cuivre près de la lumière et, avec
dedans
un faisceau de branches fleuries de pêchers ou de poiriers
avec
des fleurs légèrement rosées.
Marie
se met à chanter à voix basse et puis elle
élève un peu la voix... Comme elle
répète
fréquemment : « Jéhovah » je
comprends qu'il
s'agit de quelque chant sacré, peut-être un psaume
; et
elle lève la tête en l'appuyant en
arrière sur le
mur ; son visage brille de vives couleurs. On dirait une belle fleur.
Le chant se change en
une
prière :
« Seigneur,
Dieu
Très-Haut, ne tarde pas d'envoyer ton Serviteur pour
apporter la
paix sur la terre. Suscite le temps favorable et la vierge pure et
féconde pour l'avènement de ton Christ.
Père,
Père Saint, accorde à ta servante d'offrir sa vie
dans ce
but. Accorde-moi de mourir après avoir vu ta
Lumière et
ta Justice sur la terre et d'avoir vu, accomplie, la
Rédemption.
O Père Saint envoie à la terre ce qui a fait
soupirer les
Prophètes. Envoie à ta servante le
Rédempteur.
Qu'à l'heure où se terminera ma
journée s'ouvre
pour moi ta demeure parce que ses portes auront
déjà
été ouvertes par ton Christ, pour tous ceux qui
ont
espéré en Toi. Viens, viens, ô Esprit
du Seigneur.
Viens vers tes
fidèles
qui t'attendent. Viens, Prince de la Paix ! ..." Et Marie reste ainsi
hors d'elle-même...
Le rideau remue plus
fort,
comme si quelqu'un, par derrière faisait un courant d'air ou
le
secouait pour l'écarter. Et une lumière blanche
de perle,
associée à l'argent pur, rend plus clairs les
murs
légèrement jaunes, plus vives les couleurs des
étoffes, plus spirituel le visage levé de Marie.
Dans la
lumière, et sans que la tenture soit
écartée sur
le mystère qui s'accomplit se prosterne l'Archange.
C'est un visage,
c'est un
corps, ce sont des yeux, une bouche, des cheveux et des mains comme les
nôtres, mais ce n'est pas notre opaque matière.
C'est une
lumière qui a pris la couleur de la chair, des yeux, de la
chevelure, des lèvres, une lumière qui se meut et
sourit
et regarde et parle.
« Salut,
Marie, pleine de
Grâce, salut ! " La voix est un doux accord, comme des perles
qui
tombent sur un métal précieux.
Marie tressaille et
baisse les
yeux. Et elle tressaille davantage quand elle voit cette
créature de lumière agenouillée
à un
mètre environ de distance d'elle, les mains
croisées sur
la poitrine la regardant avec un infini respect.
Marie se dresse
debout et se
serre contre le mur. Elle devient pâle, puis rouge. Son
visage
exprime étonnement, effarement. Elle serre inconsciemment
les
mains sur son sein, en les cachant sous ses longues manches. Elle se
courbe presque pour cacher le plus possible son corps. Une attitude de
suave pudeur...
« Non. Ne
crains pas. Le
Seigneur est avec Toi ! Tu es bénie entre toutes les femmes."
Mais Marie continue
à
craindre. D'où est venu cet être extraordinaire ?
Est-ce
un envoyé de Dieu ou du Trompeur ?
« Ne crains
pas, Marie !"
répète l'Archange. « Je suis Gabriel,
l'Ange de
Dieu. Le Seigneur m'a envoyé vers Toi. Ne crains pas parce
que
tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Et
maintenant,
tu vas concevoir dans ton sein et enfanteras un Fils et tu Lui donneras
comme nom " Jésus ". Il sera grand. On l'appellera le Fils
du
Très- Haut, le Seigneur Dieu Lui donnera le trône
de David
son père, il régnera éternellement sur
la maison
de Jacob et son Règne n'aura jamais de fin. Comprends,
ô
Sainte Vierge, aimée du Seigneur, sa Fille bénie,
appelée à être la Mère de
son Fils, quel
Fils tu engendreras.»
« Comment
cela peut-il se
faire si je ne connais point d'homme ? Est-ce que le Seigneur Dieu
n'accueille pas l'offrande de sa servante et ne me veut pas vierge par
amour pour Lui ? »
« Non, ce
ne sera pas par
œuvre d'homme que tu seras Mère, ô
Marie. Tu es
l'éternelle Vierge, la Sainte de Dieu. L'Esprit Saint
descendra
sur Toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son
ombre.
Pour cela, on appellera Saint celui qui naîtra de toi, Saint
et
Fils de Dieu. Tout est possible au Seigneur notre Dieu. Elisabeth,
stérile, a conçu dans sa vieillesse un fils qui
sera le
Prophète de ton Fils, celui qui Lui préparera le
chemin.
Le Seigneur lui a enlevé son opprobre et son souvenir
restera
parmi les peuples unis à ton nom, comme le nom de sa
créature à celui de ton Saint, et
jusqu'à la fin
des siècles les nations vous proclameront bienheureuses pour
la
grâce du Seigneur venue jusqu'à vous et
jusqu'à toi
spécialement, venue aux nations par ton
intermédiaire.
Elisabeth en est à son sixième mois et le poids
qu'elle
porte fait monter en elle la joie et la fera monter davantage quand
elle connaîtra ta propre joie. Rien n'est impossible
à
Dieu, Marie, pleine de Grâce. Que dois-je dire à
mon
Seigneur ? Ne te laisse pas troubler par aucune pensée. Le
Seigneur veillera sur tes intérêts si tu te fies
à
Lui. Le monde, le Ciel, l'Eternel attendent ta parole ! »
Marie, croisant
à son
tour ses mains sur sa poitrine et se courbant en une profonde
inclination dit : « Voici la servante du Seigneur. Qu'il me
soit
fait selon sa parole. »
L'Ange
étincelle de
joie. Il adore, parce que certainement il voit
l'Esprit de
Dieu s'abaisser sur la Vierge, toute courbée dans son
consentement. Puis il disparaît, sans remuer la tenture qu'il
laisse tirée sur le Mystère saint.
Visite de
Marie à
Elizabeth
Marie descend de sa
monture et
s'approche d'une grille. Elle regarde à travers les barreaux
et
ne voit personne. Alors elle cherche à manifester sa
présence. Une petite femme qui, plus curieuse que les autres
l'a
suivie, lui indique un bizarre agencement qui sert de clochette. Ce
sont deux morceaux de métal fixés sur un axe.
Marie tire la corde,
mais si
gentiment que l'appareil tinte légèrement et
personne ne
l'entend. Alors, la femme, une petite vieille, tout nez et menton et
entre les deux une langue qui en vaut dix, s'accroche à la
corde
et tire, tire, tire. Un vacarme à réveiller un
mort.
«C'est cela
qu'il faut
faire. Autrement comment pouvez-vous faire entendre ? Sachez
qu'Elisabeth est vieille, et aussi Zacharie. Et à
présent
il est muet et sourd par-dessus le marché. Les domestiques
sont
aussi vieux, le savez-vous ? N'êtes-vous jamais venue ?
Connaissez-vous Zacharie ? Vous êtes... »
Pour
délivrer Marie de
ce déluge de renseignements et de questions, survient un
petit
vieux qui boîte. Ce doit être un jardinier ou un
agriculteur, car il a en mains un sarcloir et, attachée
à
la ceinture, une serpette. Il ouvre et Marie entre en remerciant la
petite vieille mais... hélas ! sans lui répondre.
Quelle
déception pour la curieuse !
A peine à
l'intérieur, Marie dit : " Je suis la servante de Joachim et
d'Anne, de Nazareth. Cousine de vos maîtres. »
Le petit vieux
s'incline et
salue et se met à crier : « Sara ! Sara ! Ma femme
est un
peu sourde, mais viens, viens que je te conduise.»
Au lieu de Sara,
voilà,
en haut d'un escalier au flanc d'un côté de la
maison, une
femme d'âge plutôt avancé,
déjà toute
ridée avec des cheveux très grisonnants. Sa
grossesse est
déjà très apparente, malgré
l'ampleur de
ses vêtements. Elle regarde en faisant signe de la main. Elle
a
reconnu Marie. Elle lève les bras au ciel avec un :
« Oh !
» étonné et joyeux et se
hâte, autant qu'il
lui est possible, à la rencontre de Marie. Marie se met
à
courir agile comme un faon et elle arrive au pied de l'escalier en
même temps qu'Elisabeth. Marie reçoit sur son
cœur
avec une vive allégresse sa cousine qui pleure de joie en la
voyant, puis Elisabeth se détache de l'étreinte
avec un
: « Ah ! » où se mêlent la
douleur et la joie
et porte la main sur son ventre grossi. Elle penche son visage,
pâlissant et rougissant alternativement. Marie et le
serviteur
tendent les mains pour la soutenir parce qu'elle vacille comme si elle
se sentait mal. Mais Elisabeth, après être
restée
une minute comme recueillie en elle-même, lève un
visage
tellement radieux qu'il semble rajeuni. Elle regarde Marie avec
vénération en souriant comme si elle voyait un
ange et
puis elle s'incline en un profond salut en disant:
«
Bénie es-tu
parmi toutes les femmes ! Béni le Fruit de ton sein
! Comment
ai-je mérité que vienne à moi, ta
servante, la
Mère de mon Seigneur ? Voilà qu'au son de ta voix
l'enfant a bondi de joie dans mon sein, et lorsque je t'ai
embrassée, l'Esprit du Seigneur m'a dit les très
hautes
vérités dans les profondeurs de mon
cœur.
Bienheureuse es-tu d'avoir cru qu'à Dieu serait possible
même ce qui ne semble pas possible à l'esprit
humain !
Bénie es-tu parce que, grâce à ta foi,
tu feras
accomplir les choses qui t'ont été
prédites par le
Seigneur et les prophéties des Prophètes pour ce
temps-ci
! Bénie es-tu pour le Salut que tu as engendré
pour la
descendance de Jacob ! Bénie est-tu pour avoir
apporté la
Sainteté à mon fils qui, je le sens, bondit comme
une
jeune chevrette pour la joie qu'il éprouve, en mon sein !
C'est
qu'il se sent délivré du poids de la faute,
appelé
à être le Précurseur,
sanctifié avant la
Rédemption par le Saint qui croît en
toi!»
Marie,
avec deux larmes, qui
comme des perles descendent de ses yeux qui rient vers sa bouche qui
sourit, le visage levé vers le ciel et les bras
levés
aussi, dans la pose que plus tard, tant de fois aura son
Jésus,
s'écrie : « Mon âme magnifie son
Seigneur » et
elle continue le cantique comme il nous a été
transmis. A
la fin, au verset: « Il a secouru Israël son
serviteur...» Elle croise les mains sur sa poitrine,
s'agenouille,
prosternée jusqu'à terre en adorant Dieu.
Le serviteur
s'était
respectueusement éclipsé quand il avait vu
qu'Elisabeth
ne se sentait plus mal et qu'elle confiait ses pensées
à
Marie. Il revient du verger avec un vieillard imposant aux cheveux
blancs et à la barbe blanche, qui de loin, avec de grands
gestes
et des sons gutturaux, salue Marie.
« Zacharie
arrive »
dit Elisabeth en touchant à l'épaule la Vierge
absorbée dans sa prière. « Mon Zacharie
est muet.
Dieu l'a puni de n'avoir pas cru. Je t'en parlerai plus tard, mais
maintenant, j'espère le pardon de Dieu puisque tu es venue,
toi
la Pleine de Grâce. "
Marie se
lève et va
à la rencontre de Zacharie et s'incline devant lui
jusqu'à terre. Elle baise le bord du vêtement
blanc qui le
couvre jusqu'à terre.
Zacharie par gestes
souhaite la
bienvenue, et ensemble ils rejoignent Elisabeth. Ils entrent tous dans
une vaste pièce très bien disposée.
Ils y font
asseoir Marie et lui font servir une tasse de lait avec des petites
galettes.
Elisabeth donne des
ordres
à la servante, finalement apparue avec les mains
enfarinées et des cheveux encore plus blancs, qu'ils ne le
sont
en réalité à cause de la farine dont
ils sont
saupoudrés. Peut-être était-elle en
train de faire
le pain. Elle donne aussi à un serviteur, que j'entends
appeler
Samuel, l'ordre de porter le coffre de Marie dans une chambre qu'elle
lui indique, Tous les devoirs d'une maîtresse de maison
à
l'égard de son hôte.
Marie
répond entre temps
aux questions que lui fait Zacharie en écrivant avec un
stylet
sur une tablette enduite de cire. Je comprends, par les
réponses, qu'il lui parle de Joseph, et qu'il lui demande
comment elle se trouve épousée. Mais je comprends
aussi
que Zacharie n'a eu aucune lumière surnaturelle sur
l'état de Marie et sa condition de Mère du
Messie. C'est
Elisabeth qui, approchant de son mari et lui mettant affectueusement
une main sur l'épaule comme pour une chaste caresse, lui dit
:
"Marie est mère, elle aussi. Réjouis-toi de son
bonheur."
Mais elle n'ajoute rien. Elle regarde Marie et Marie la regarde mais ne
l'invite pas à en dire plus, et elle se tait.
Nativité
Je
vois encore l'intérieur de ce pauvre refuge pierreux
où,
partageant le sort des animaux, Marie et Joseph ont trouvé
asile.
Le
petit feu sommeille ainsi que son gardien. Marie soulève
doucement la tête de sa couche, et regarde. Elle voit Joseph,
la
tête inclinée sur la poitrine, comme s'il
réfléchissait, et elle pense que la fatigue a
triomphé de sa bonne volonté de rester
éveillé. Elle sourit, d'un bon sourire. Faisant
moins de
bruit que ne peut en faire un papillon qui se pose sur une rose, elle
s'assied, puis s'agenouille. Elle prie avec un sourire radieux sur le
visage. Elle prie, les bras étendus non pas
précisément en croix, mais presque, les paumes
dirigées vers le haut et en avant, et elle ne
paraît pas
fatiguée de cette pose pénible. Puis, elle se
prosterne,
le visage contre la le foin, dans une prière encore plus
profonde. Une prière prolongée.
Joseph
s'éveille. Il voit le feu presque mort et
l'étable
presque dans les ténèbres. Il jette une
poignée de
brindilles et la flamme se réveille. Il y ajoute des
branches
plus grosses, puis encore plus grosses car le froid doit être
piquant, le froid de la nuit hivernale et tranquille qui
pénètre partout dans ces ruines. Le pauvre Joseph
tout
près comme il l'est de la porte - appelons ainsi l'ouverture
que
son manteau essaye d'obstruer - doit être gelé. Il
approche les mains près de la flamme, défait ses
sandales
et approche ses pieds. Il se chauffe. Quand le feu est bien pris, et
que sa clarté est assurée, il se tourne. Il ne
voit rien,
pas même cette blancheur du voile de Marie qui
traçait une
ligne claire sur le foin obscur. Il se lève et lentement
s'approche de la couchette.
" Tu
ne dors pas, Marie ? " demande-t-il. Il le demande trois fois,
jusqu'à ce qu'elle en prenne conscience et
réponde : " Je
prie. "
" Tu
n'as besoin de rien ? " " Non, Joseph. "
"
Essaie de dormir un peu, de te reposer au moins. " " J'essaierai, mais
la prière ne me fatigue pas. " " Adieu, Marie. "
"
Adieu, Joseph. "
Marie
reprend sa position. Joseph pour ne plus céder au sommeil
s'agenouille près du feu et il prie. Il prie avec les mains
qui
lui couvrent le visage. Il ne les enlève que pour alimenter
le
feu et puis il revient à sa brûlante
prière. A part
les crépitements du bois et le bruit du sabot de
l'âne,
qui de temps en temps frappe le sol, on n'entend rien. Un faisceau de
lumière lunaire se glisse par une fissure du plafond et
semble
une lame immatérielle d'argent qui s'en va chercher Marie.
Il
s'allonge peu à peu à mesure que la lune
s'élève dans le ciel et l'atteint finalement. Le
voilà sur la tête de l'orante. Il la nimbe d'une
blancheur
éclatante.
Marie
lève la tête comme pour un appel du ciel et elle
s'agenouille de nouveau. Oh ! Comme c'est beau ici ! Elle
lève
sa tête qui semble resplendir de la lumière
blanche de la
lune, et elle est transfigurée par un sourire qui n'est pas
humain. Que voit-elle ? Qu'entend-elle ? Qu'éprouve-t-elle ?
Il
n'y a qu'elle qui pourrait dire ce qu'elle vit, entendit,
éprouva à l'heure fulgurante de sa
Maternité. Je
me rends seulement compte qu'autour d'elle la lumière croit,
croit, croit. On dirait qu'elle descends du Ciel, qu'elle
émane
des pauvres choses qui l'environnent, qu'elle émane d'elle
surtout.
Son
vêtement, d'azur foncé, a à
présent la
couleur d'un bleu d'une douceur céleste de myosotis, les
mains
et le visage semblent devenir azurés comme s'ils
étaient
sous le feu d'un immense et clair saphir. Cette couleur me rappelle,
bien que plus légère, celle que je
découvre dans
la vision du saint Paradis et aussi celle de la vision de
l'arrivée des Mages. Elle se diffuse surtout toujours plus
sur
les choses, les revêt, les purifie, leur communique sa
splendeur.
La
lumière se dégage toujours plus du corps de
Marie,
absorbe celle de la lune, on dirait qu'elle attire en elle tout ce qui
peut arriver du ciel. Désormais, c'est elle qui est la
Dépositaire de la Lumière, celle qui doit donner
cette
Lumière au monde. Et cette radieuse,
irrésistible,
incommensurable, éternelle, divine Lumière qui va
être donnée au monde, s'annonce avec une aube, une
diane,
un éveil de la lumière, un chœur
d'atomes lumineux
qui grandit, s'étale comme une marée qui monte,
monte en
immenses volutes d'encens, qui descend comme un torrent, qui se
déploie comme un voile...
La
voûte, couverte de fissures, de toiles
d'araignées, de
décombres en saillie qui semblent miraculeusement
équilibrées, noire, fumeuse, repoussante, semble
la
voûte d'une salle royale. Chaque pierre est un bloc d'argent,
chaque fissure une clarté opaline, chaque toile
d'araignée un baldaquin broché d'argent et de
diamants.
Un gros lézard, engourdi entre deux blocs de pierre, semble
un
collier d'émeraude oublié là, par une
reine; une
grappe de chauves-souris engourdies émet une
précieuse
clarté d'onyx. Le foin qui pend de la mangeoire la plus
haute
n'est plus de l'herbe : ce sont des fils et des fils d'argent pur qui
tremblent dans l'air avec la grâce d'une chevelure flottante.
La
mangeoire inférieure, en bois grossier, est devenue un bloc
d'argent bruni. Les murs sont couverts d'un brocart où la
blancheur de la soie disparaît sous une broderie de perles en
relief. Et le sol... qu'est-ce maintenant le sol ? Un cristal
illuminé par une lumière blanche. Les saillies
semblent
des roses lumineuses jetées sur le sol en signe d'hommage;
et
les trous, des coupes précieuses, d'où se
dégagent
des arômes et des parfums.
Et la
lumière croît de plus en plus. L'œil ne
peut la
supporter. En elle, comme absorbée par un voile de
lumière incandescente, disparaît la Vierge... et
en
émerge la Mère.
Oui,
quand la lumière devient supportable pour mes yeux, je vois
Marie avec son Fils nouveau-né dans ses bras. Un petit
Bébé rose et grassouillet qui s'agite et se
débat
avec ses mains grosses comme un bouton de rose et des petits pieds qui
iraient bien dans le cœur d'une rose; qui vagit d'une voix
tremblotante exactement comme celle d'un petit agneau qui vient de
naître, ouvrant la bouche, rouge comme une petite fraise de
bois,
montrant sa petite langue qui bat contre son palais couleur de rose;
qui remue sa petite tête si blonde qu'on la croirait sans
cheveux, une petite tête ronde que la Maman soutient dans le
creux de l'une de ses mains pendant qu'elle regarde son
Bébé et l'adore, pleurant et riant tout ensemble
et
qu'elle s'incline pour y déposer un baiser, non pas sur la
tête innocente, mais sur le milieu de la poitrine sous lequel
se
trouve le petit cœur, qui bat, qui bat pour nous...
là
où un jour sera la blessure. Elle la panse d'avance, cette
blessure, sa Maman, avec son pur baiser d'Immaculée.
Le
bœuf éveillé par la clarté
se dresse avec un
grand bruit de sabots et il mugit. L'âne relève la
tête et brait. C'est la lumière qui les
réveille,
mais j'aime penser qu'ils ont voulu saluer leur Créateur
pour
eux-mêmes et pour tous les animaux.
Joseph
aussi, qui comme extasié priait avec autant
d'intensité
qu'il s'était abstrait de tout ce qui l'entourait, se secoue
et
entre ses doigts dont il se couvre le visage, il voit filtrer la
lumière étrange. Il découvre le
visage,
lève la tête, se retourne. Le bœuf
debout, lui cache
Marie, mais elle l'appelle: " Joseph, viens."
Joseph
accourt et devant le spectacle s'arrête comme
foudroyé de
révérence, il va tomber à genoux
là
où il se trouve. Mais Marie insiste : " Viens, Joseph. "
Elle
appuie la main gauche sur le foin et tenant de la main droite l'Enfant
qu'Elle serre sur son cœur, elle se lève et se
dirige vers
Joseph qui marche hésitant, pris entre le désir
d'avancer
et la peur d'être irrespectueux.
Au
pied de la couche les deux époux se rencontrent et se
regardent
en pleurant de bonheur.
"
Viens " dit Marie " offrons Jésus au Père. "
Pendant que
Joseph s'agenouille, elle, debout, entre les deux poutres qui
soutiennent la voûte, élève sa
Créature
entre ses bras et dit : " Me voici. C'est pour Lui, ô Dieu,
que
je te dis cette parole. Me voici pour faire ta volonté. Et
avec
Lui, moi, Marie et Joseph mon époux. Voici tes serviteurs,
Seigneur. Que soit accomplie par nous, à toute heure et en
toute
occasion, ta volonté pour ta gloire et ton amour. Puis Marie
se
penche et dit: " Prends, Joseph " et Elle offre l'Enfant.
" Moi
! A Moi ! Oh ! Non ! Je ne suis pas digne ! " Joseph est tout
effrayé, anéanti à l'idée
de devoir toucher
Dieu.
Mais
Marie insiste en souriant : " Tu en es bien digne. Personne ne l'est
plus que toi. C'est pour cela que Dieu t'a choisi. Prends-le, Joseph,
et tiens-le pendant que je cherche les langes. " Joseph, rouge comme la
pourpre, avance les bras et prend le petit bourgeon de chair qui crie
parce qu'il a froid. Quand il l'a entre les bras, il ne persiste pas
dans l'intention de le tenir par respect éloigné
de lui.
Il le serre contre son cœur et éclatant en
sanglots: " Oh
! Seigneur! Mon Dieu ! " et il se penche pour baiser ses petits pieds
et les sent glacés. Alors, il s'assoit sur le sol, le serre
sur
son sein. Avec son habit marron, avec ses mains il s'ingénie
à le couvrir, à le réchauffer,
à le
défendre contre la bise nocturne. Il voudrait bien aller du
côté du feu, mais là il y a un courant
d'air qui
entre par la porte. Mieux vaut rester où il est. Il vaut
mieux
même aller entre les deux animaux qui les
protégeront du
courant d'air et donneront un peu de chaleur. Il va se mettre entre le
bœuf et l'âne avec les épaules
tournées vers
la porte, penché sur le Nouveau-né pour lui faire
de sa
poitrine une niche dont les parois sont une tête grise aux
longues oreilles et un grand museau blanc aux naseaux fumants et aux
bons yeux humides.
Marie
a ouvert le coffre et en a tiré les linges et les langes.
Elle
est allée près du feu pour les
réchauffer. La
voilà qui va vers Joseph et enveloppe le
Bébé dans
les linges tiédis, puis elle protège la petite
tête
avec son voile. " Où allons-nous le mettre maintenant ? "
dit-elle.
Joseph
regarde autour, réfléchit... " Attends " dit-il.
"
Poussons plus loin les deux animaux et leur foin. Tirons en bas le foin
de la mangeoire qui est plus haut et mettons-le ici à
l'intérieur. Le bord de cette mangeoire le
protégera de
l'air, le foin lui fera un oreiller et le bœuf par son
souffle le
réchauffera un peu. " Et Joseph se met à
l'ouvrage,
pendant que Marie berce son Petit en le serrant sur son cœur
et
en appuyant sa joue sur la petite tête pour la
réchauffer.
Joseph
ravive le feu sans épargner le bois pour faire une belle
flamme.
Il réchauffe le foin et peu à peu le
sèche et le
met sur le sein pour l'empêcher de refroidir. Puis, quand il
en a
assez amoncelé pour faire un petit matelas à
l'Enfant, il
va à la mangeoire et l'arrange pour en faire un berceau. "
C'est
prêt " dit-il. " Maintenant il faudrait bien une couverture
pour
empêcher le foin de le piquer, et pour le couvrir..."
"
Prends mon manteau " dit Marie. " Tu auras froid."
" Oh!
cela ne fait rien ! La couverture est trop rugueuse. Le manteau est
doux et chaud. Je n'ai pas du tout froid. Mais que Lui ne souffre plus.
"
Joseph
prend l'ample manteau de moelleuse laine bleue sombre et l'arrange en
double sur le foin, avec un pli qui penche hors de la
crèche. Le
premier lit du Sauveur est prêt.
Et la
Mère, de sa douce démarche ondoyante, le porte et
le
dépose, le recouvre avec le pli du manteau qu'elle
amène
aussi autour de la tête nue qui enfonce dans le foin,
à
peine protégé des piqûres par le mince
voile de
Marie. Il ne reste à découvert que le petit
visage gros
comme le poing, et les Deux, penchés sur la
crèche,
radieux, le regardent dormir son premier sommeil. La chaleur des langes
et du foin a arrêté ses pleurs et
apporté le
sommeil au doux Jésus.
L’adoration
des bergers
Plus
tard je vois une vaste étendue de campagne. La lune est au
zénith et elle cingle tranquille dans un ciel tout
constellé. Les étoiles paraissent des clous de
diamant
enfoncés dans un immense baldaquin de velours bleu
foncé.
Et la lune rie au milieu avec sa figure toute blanche d'où
descendent des fleuves de lumière laiteuse qui donnent une
teinte blanche au paysage. Les arbres dépouillés
de leur
feuillage se détachent plus grands et sombres sur cette
blancheur, pendant que les murets qui surgissent
çà et
là ressemblent à du lait caillé. Une
maisonnette,
dans le lointain, semble être un bloc de marbre de Carrare.
Sur
ma droite, je vois une sorte de hangar qui est construit partie en
maçonnerie, partie en bois. De là, sort de temps
en temps
un bêlement intermittent et bref. Ce doit être des
brebis
qui rêvent ou qui croient l'aube proche à cause du
clair
de lune. C'est une clarté, excessive même, tant
elle est
intense, et qui s'accroît comme si l'astre s'approchait de la
terre ou étincelait par suite d'un mystérieux
incendie.
Un
berger s'avance sur le seuil. Il lève le bras à
hauteur
du front pour ménager ses yeux et regarde en l'air. Il
semble
impossible qu'on doive s'abriter de la clarté de la lune,
mais
elle est si vive qu'elle éblouit, en particulier celui qui
sort
d'un enclos, d'ordinaire ténébreux. Tout est
calme, mais
cette clarté est étonnante. Le berger appelle ses
compagnons. Ils vont tous à la porte. Un tas d'hommes
hirsutes,
de tous âges. Il y a des adolescents et d'autres qui
déjà blanchissent. Ils commentent le fait
étrange
et les plus jeunes ont peur, spécialement un
garçon d'une
douzaine d'années qui se met à pleurer,
s'attirant les
moqueries des plus vieux.
" De
quoi as-tu peur, sot que tu es ? " lui dit le plus vieux. " Tu ne vois
pas que l'air est tranquille ? Tu n'as jamais vu un clair de lune ?
Es-tu toujours resté sous la robe de la maman comme un
poussin
sous la poule couveuse ? Mais, tu en verras des choses ! Une fois
j'étais allé vers les monts du Liban, plus loin
encore.
Je montais. J'étais jeune et la marche ne me fatiguait pas.
J'étais riche aussi à cette époque...
Une nuit, je
vis une lumière telle que je pensai qu'Elie allait revenir
avec
son char de feu. Le ciel était tout embrasé. Un
vieux -
le vieux c'était lui - me dit : ..Un grand
événement va bientôt se produire dans
le monde. Et
pour nous ce fut un événement :
l'arrivée des
soldats de Rome. Oh ! tu en verras si tu vis... "
Mais
le pastoureau ne l'écoute plus. Il semble n'avoir plus peur.
En
effet, il quitte le seuil et s'esquive de derrière les
épaules d'un berger musclé derrière
lequel il
s'était réfugié et sort dans le parc
qui se trouve
devant le hangar. Il regarde en l'air et marche comme un somnambule ou
comme s'il était hypnotisé par quelque chose qui
le
captive totalement. A un moment il crie : " Oh ! " et reste comme
pétrifié, les bras
légèrement ouverts. Les
autres se regardent, étonnés.
"
Mais qu'a donc ce sot ? " dit quelqu'un.
"
Demain je le ramène à sa mère. Je ne
veux pas d'un
fou pour garder les brebis " dit un autre.
Et le
vieux qui a parlé précédemment dit
alors : "
Allons voir avant de juger. Appelez aussi les autres qui dorment et
prenez des bâtons. Il y a peut-être une mauvaise
bête
ou des malandrins... "
Ils
rentrent, ils appellent les autres bergers et sortent avec des torches
et des matraques. Ils rejoignent l'enfant.
"
Là, là " murmure-t-il en souriant. " Au-dessus de
l'arbre
regardez cette lumière qui arrive. On dirait qu'elle
s'avance
sur un rayon de lune. La voilà qui approche. Comme elle est
belle ! "
"
Moi, je ne vois qu'une clarté un peu vive. " " Moi aussi. "
" Moi
aussi " disent les autres.
"
Non. Je vois quelque chose qui ressemble à un corps " dit un
autre en qui je reconnais le berger qui a donné le lait
à
Marie.
"
C'est un... c'est un ange ! " crie l'enfant. " Le voilà qui
descend et s'approche... Par terre ! A genoux devant l'Ange de Dieu ! "
Un "
oh ! " prolongé et respectueux s'élève
du groupe
des bergers qui tombent le visage contre terre et paraissent d'autant
plus frappés par l'apparition qu'ils sont plus
âgés. Les plus jeunes sont à genoux et
regardent
l'ange qui s'approche toujours plus, et s'arrête en l'air
déployant ses grandes ailes, blancheur de perles dans la
blancheur lunaire qui l'enveloppe, au-dessus du mur d'enceinte.
" Ne
craignez pas, je ne vous porte pas malheur. Je vous apporte la nouvelle
d'une grande joie pour le peuple d'Israël et pour tous les
peuples
de la terre. " La voix angélique, c'est une harpe
harmonieuse
qui accompagne des voix de rossignols.
"
Aujourd'hui, dans la cité de David, est né le
Sauveur. "
A ces mots, l'ange ouvre plus grandes ses ailes et les agite comme par
un tressaillement de joie et une pluie d'étincelles d'or et
de
pierres précieuses paraît s'en
échapper. Un
véritable arc-en-ciel qui dessine un arc de triomphe
au-dessus
du pauvre parc.
"
...le Sauveur qui est le Christ. " L'ange brille d'une
lumière
plus éclatante. Ses deux ailes, maintenant
arrêtées
et tendues vers le ciel semblent deux voiles immobiles sur le saphir de
la mer, deux flammes qui montent ardentes.
"
...Christ, le Seigneur ! " L'ange replie ses ailes de
lumière et
s'en couvre comme d'un survêtement de diamant sur un habit de
perles, il s'incline comme pour adorer avec les bras serrés
sur
le cœur et le visage qui disparaît,
incliné comme il
est sur la poitrine, dans l'ombre du haut des ailes
repliées. On
ne voit plus qu'une forme allongée et lumineuse, immobile
pendant la durée d'un Gloria.
Mais
voici qu'il bouge. Il rouvre les ailes et lève son visage
où la lumière s'épanouit en un sourire
paradisiaque et il dit : " Vous le reconnaîtrez à
ces
signes : dans une pauvre étable, derrière
Bethléem, vous trouverez un bébé
enveloppé
dans des langes couché dans une mangeoire d'animaux, parce
que
pour le Messie, il n'y a pas eu de toit dans la cité de
David. "
En disant cela, l'ange devient grave, même triste.
Mais
des Cieux arrive une foule - Oh ! Quelle foule ! - une foule d'anges
qui lui ressemblent, une échelle d'anges qui descendent dans
l'allégresse, éclipsent la lune par leur
lumière
paradisiaque. Ils se rassemblent autour de l'ange annonciateur, en
agitant leurs ailes, en répandant des parfums, en une
harmonie
musicale où toutes les voix les plus belles de la
création se retrouvent, mais portées à
la
perfection de leur sonorité. Si la peinture est l'effort de
la
matière pour devenir lumière, ici la
mélodie est
l'effort de la musique pour exprimer aux hommes la beauté de
Dieu, et entendre cette mélodie c'est connaître le
Paradis, où tout est harmonie de l'amour qui de Dieu se
donne,
se répandant pour réjouir les bienheureux et
retourner de
ceux-ci à Dieu et Lui dire : " Nous t'aimons ! "
Le "
Gloria " angélique se répand en ondes de plus en
plus
étendues sur la campagne tranquille, ainsi que la
lumière. Les oiseaux unissent leurs chants pour saluer cette
lumière précoce et les brebis leurs
bêlements pour
ce soleil anticipé, comme si les animaux qui saluaient leur
Créateur, venu au milieu d'eux pour les aimer comme Homme et
en
plus comme Dieu.
Le
chant décroît, et la lumière aussi
pendant que les
anges remontent aux Cieux... Les bergers reviennent à
eux-mêmes.
"
As-tu entendu ? " " Allons-nous voir ? " " Et les animaux ? "
" Oh
! il ne leur arrivera rien. Allons pour obéir à
la parole
de Dieu "
"
Mais, où aller ? "
"
N'a-t-il pas dit qu'il était né aujourd'hui et
qu'il
n'avait pas trouvé de logement à
Bethléem ? " Et
le berger qui a donné le lait c'est lui qui parle
maintenant. "
Venez, je sais. J'ai vu la femme et elle m'a fait de la peine. Je lui
ai indiqué un endroit pour elle, parce que je pensais bien
qu'elle ne trouverait pas de logement, et à l'homme je lui
ai
donné du lait pour elle. Elle est si jeune et si belle. Elle
doit être bonne comme l'ange qui nous a parlé.
Venez,
venez. Allons prendre du lait, des fromages, des agneaux et des peaux
tannées de brebis. Ils doivent être
très pauvres
et... qui sait quel froid pour Celui que je n'ose nommer ! Et penser
que j'ai parlé à la Mère comme
à une pauvre
épouse ! ..."
Ils
vont au hangar et en sortent, peu après, portant qui des
récipients de lait, qui des fromages ronds
enveloppés
dans des filets de sparterie, qui des paniers avec un agneau
bêlant, qui des peaux de brebis
apprêtées.
" Moi
je porte une brebis qui a eu un agneau il y a un mois. Son lait est
excellent. Il pourra leur être utile si la femme en manque.
Elle
me semblait une bambine, et si pâle ! ... Un teint de jasmin,
au
clair de lune " dit le berger du lait. Et il les conduit.
Ils
s'en vont éclairés par la lune et des torches
après avoir fermé le hangar et l'enceinte. Ils
vont par
les sentiers champêtres, à travers des haies de
ronces
dépouillées par l'hiver. Ils font le tour de
Bethléem et arrivent à l'étable non
par le chemin
qu'avait suivi Marie, mais en sens contraire. Ainsi ils ne passent pas
devant les grottes mieux aménagées mais trouvent
immédiatement le refuge qu'ils cherchent. Ils s'approchent.
"
Entre ! "
"
Moi, je n'ose pas. " " Entre, toi. " " Non. "
"
Regarde au moins. " " Toi, Lévi qui as vu l'ange le premier,
cela veut dire que tu es plus bon que nous, regarde. " Vraiment ils
l'avaient d'abord traité de fou... mais maintenant il leur
est
utile que le gamin ose ce que eux n'osent pas.
L'enfant
hésite mais se décide ensuite. Il s'approche du
refuge,
écarte un peu le manteau... et s'arrête en extase.
" Que
vois-tu ? " lui demandent-ils anxieux à voix basse.
" Je
vois une femme toute jeune et belle et un homme penché sur
une
mangeoire et j'entends... j'entends un bébé qui
pleure et
la femme lui dit d'une voix... oh ! quelle voix ! " " Que dit-elle ? "
"
Elle dit : ..Jésus, mon tout petit ! Jésus, amour
de ta
Maman ! Ne pleure pas, mon petit Enfant ! " Elle dit : ..Oh! si je
pouvais te dire : ' Prends le lait, mon tout petit ! ' Mais je ne l'ai
pas encore ! " Elle dit : " Tu as si froid, mon amour ! Le foin te
pique. Quelle douleur pour ta Maman de t'entendre pleurer ainsi ! Sans
pouvoir te soulager ". Elle dit : " Dors, ma petite âme ! Mon
cœur se fend de t'entendre et de voir tes larmes ". Elle le
baise
et réchauffe ses petits pieds avec ses mains. Elle est
penchée abaissant ses mains sur la mangeoire.
"
Appelle ! Montre que tu es là ! "
" Moi
non. Vous plutôt qui nous avez conduit et la connaissez. " Le
berger ouvre la bouche et se borne à un soupir bruyant.
Joseph
se retourne et vient à la porte. " Qui êtes-vous ?
"
" Des
bergers. Nous vous apportons de la nourriture et de la laine. Nous
venons adorer le Sauveur. "
"
Entrez. " Ils entrent dans l'étable qui s'éclaire
à la lumière des torches. Les vieux poussent les
jeunes
devant eux.
Marie
se retourne et sourit : " Venez " dit-elle. " Venez ! " et elle les
invite de la main et par son sourire et elle prend le garçon
qui
a vu l'ange et l'attire à elle, tout près de la
crèche. Et l'enfant regarde, radieux.
Les
autres, invités aussi par Joseph, s'avancent avec leurs
cadeaux,
et avec des paroles brèves, émues, les
déposent
aux pieds de Marie. Ils regardent le petit Bébé
qui
pleure doucement et ils sourient, émus et heureux.
L'un
d'eux plus hardi dit : " Prends, Mère, elle est soyeuse et
propre. Je l'avais préparée pour le bambin qui va
bientôt naître chez nous, mais je te la donne. Mets
ton
Fils dans cette laine, elle sera douce et chaude. " Et il offre une
peau de brebis, une très belle peau avec une longue toison
de
laine toute blanche.
Marie
soulève Jésus et l'en enveloppe. Elle le montre
aux
bergers qui, à genoux sur la litière du sol, le
regardent
extasiés.
Ils
se font plus hardis et l'un d'eux propose : " Il faudrait Lui donner
une gorgée de lait ou mieux de l'eau et du miel. Mais nous
n'avons pas de miel. On en donne aux tout petits. J'ai sept enfants, je
suis au courant... "
"
Voilà du lait. Prends, Femme. "
"
Mais il est froid. Il faut du chaud. Où est Elie ? C'est lui
qui
a la brebis. "
Elie
doit être l'homme au lait, mais il n'est pas là.
Il s'est
arrêté dehors et regarde par une fente et il est
perdu
dans l'obscurité de la nuit.
" Qui
vous a amenés ici ? "
" Un
ange nous a dit de venir et Elie nous a conduits. Mais où
est-il
à présent ? "
Un
bêlement de la brebis le trahit. " Avance, on demande de toi.
"
Il
entre avec la brebis, intimidé d'être le plus
remarqué.
"
C'est toi ? " dit Joseph qui le reconnaît. Et Marie lui
sourit en
disant : " Tu es bon. "
Ils
traient la brebis, et trempant l'extrémité d'un
linge
dans le lait chaud et écumeux, Marie baigne les
lèvres du
Petit qui suce cette douceur crémeuse. Ils sourient tous, et
plus encore lorsque avec le coin de la toile encore entre les
lèvres, Jésus s'endort dans la tiédeur
de la laine.
"
Mais vous ne pouvez rester ici. Il fait froid et humide. Et puis...
avec cette odeur d'animaux ! Ça ne va pas... et
ça ne va
pas pour le Sauveur. "
" Je
le sais " dit Marie avec un grand soupir. " Mais il n'y a pas de place
pour nous à Bethléem. " " Prends courage,
ô Femme.
Nous allons te chercher une maison. " " Je vais en parler à
ma
patronne " dit l'homme au lait, Elie. " Elle est bonne. Elle vous
accueillera, dut-elle vous céder sa pièce.
Dès
qu'il va faire jour, je lui en parle. Elle a sa maison toute pleine,
mais elle vous donnera une place. "
"
Pour le Petit au moins. Moi et Joseph, n'importe si nous restons encore
par terre. Mais pour le Petit... "
" Ne
soupire pas, Femme, j'y pense. Je raconterai à beaucoup de
gens
ce qui nous a été dit. Vous ne manquerez de rien.
Pour le
moment, prenez ce que notre pauvreté peut vous donner. Nous
sommes des bergers... "
"
Nous sommes pauvres, nous aussi " dit Joseph. " Et ne pouvons vous
dédommager. " " Oh ! nous ne voulons pas ! Même si
vous le
pouviez nous ne le voudrions pas ! Le Seigneur nous a
déjà récompensés. La paix,
il l'a promise
à tout le monde. Les anges disaient : " Paix aux hommes de
bonne
volonté ". Mais à nous, il l'a
déjà
donnée car l'ange a dit que cet Enfant, c'est le Sauveur, le
Christ, le Seigneur. Nous sommes pauvres et ignorants, mais nous savons
que les Prophètes disent que le Sauveur sera le Prince de la
Paix et à nous il a dit d'aller l'adorer. Ainsi il nous a
donné sa paix. Gloire à Dieu au plus haut des
Cieux et
gloire à celui qui est son Christ ! Et toi, sois
bénie,
Femme qui l'as engendré ! Tu es Sainte puisque tu as
mérité de le porter ! Commande-nous, comme une
Reine, car
nous serons contents de te servir. Que pouvons-nous faire pour toi ? "
"
Aimer mon Fils, et avoir toujours dans le cœur vos
pensées
de maintenant. "
"
Mais pour toi, tu ne désires rien ? Tu n'as pas de parents
à qui faire savoir que ton Fils est né ? " " Oui,
j'en
aurais. Mais ils ne sont pas près d'ici. Ils sont
à
Hébron... "
" J'y
vais moi "dit Elie. " Qui sont-ils ? "
"
Zacharie, le prêtre, et Elisabeth ma cousine. "
"
Zacharie, oh ! Je le connais bien. En été je vais
sur ces
montagnes où il y a de riches et beaux pâturages
et je
suis l'ami de son berger. Quand je vais te savoir arrangée,
je
vais chez Zacharie. "
"
Merci, Elie. "
" De
rien. C'est grand honneur pour moi, pauvre berger, d'aller parler au
prêtre et de lui dire : " Le Sauveur est né ". "
"
Non. Tu lui diras : " Marie de Nazareth, ta cousine, a dit que
Jésus est né, et de venir à
Bethléem ". "
"
C'est ainsi que je dirai. "
"
Dieu t'en récompense, je me souviendrai de toi, de vous
tous...
" " Tu parleras à ton Enfant de nous ? " " Oui. "
" Je
suis Elie. " " Moi Lévi. "
" Moi
Samuel. " " Moi Jonas. " " Moi Isaac. " " Moi Tobie. "
" Moi
Jonathas. " " Et moi Daniel. "
" Et
Siméon, moi. "
" Et
moi, mon nom est Jean. "
" Moi
je m'appelle Joseph et mon frère Benjamin, nous sommes
jumeaux. "
" Je
me rappellerai vos noms. "
" Il
nous faut partir... Mais nous reviendrons... Et nous t'en
amènerons d'autres pour adorer ! ..."
"
Comment revenir au parc en laissant ce Petit ? " " Gloire à
Dieu
qui nous l'a montré ! "
"
Fais-nous baiser son habit " dit Lévi avec un sourire
d'ange.
Marie lève doucement Jésus et, assise sur le
foin,
présente aux baisers, les pieds minuscules,
enveloppés
d'un linge. Ceux qui ont de la barbe se l'essuient d'abord. Tous,
presque, pleurent et quand ils doivent partir, ils sortent à
reculons, laissant leur cœur près de la
crèche...
La
vision se termine ainsi pour moi : Marie assise sur la paille avec
l'Enfant sur son sein et Joseph qui accoudé au bord de la
crèche, regarde et adore.
Présentation
au temple
Je
vois partir d'une petite maison très modeste un couple de
personnes. D'un petit escalier extérieur descend une
très
jeune mère avec, entre ses bras, un
bébé dans un
lange blanc.
Je
reconnais, c'est notre Maman. C'est toujours elle, pâle et
blonde, agile et si gentille en toutes ses démarches. Elle
est
vêtue de blanc, avec un manteau d'azur pâle qui
l'enveloppe
et un voile blanc. Elle porte son Bébé avec tant
de
précautions. Au pied du petit escalier, Joseph l'attend
auprès d'un âne gris. Il est habillé de
marron
clair. Il regarde Marie et lui sourit. Quand Marie arrive
près
de l'âne, Joseph se passe la bride sur le bras gauche, et
prend
pour un moment le Bébé qui dort tranquille pour
permettre
à Marie de mieux s'installer sur la selle. Puis, il lui rend
Jésus et ils se mettent en marche.
Joseph
marche à côté de Marie en tenant
toujours la
monture par la bride et en veillant qu'elle marche droit et sans
trébucher. Marie tient Jésus sur son sein et, par
crainte
que le froid ne puisse Lui nuire, elle étend sur Lui un pli
de
son manteau. Ils parlent très peu, les deux
époux, mais
ils se sourient souvent.
La
route se déroule à travers une campagne que la
saison a
dépouillée.
Puis
voici des maisons qui se découvrent et des murs qui
enserrent
une ville. Les deux époux entrent par une porte, puis
commence
le parcours sur le pavé très disjoint de la
ville. La
marche devient beaucoup plus difficile, soit à cause du
trafic
qui fait arrêter l'âne à tout moment,
soit parce que
les pierres et les crevasses les interrompent.
La
route n'est pas plane ; elle monte bien que
légèrement.
Elle est étroite entre les hautes maisons aux
entrées
aussi étroites et basses et aux rares fenêtres sur
la rue.
En haut, le ciel se montre avec tant de morceaux d'azur de maison
à maison ou de terrasse à terrasse. En bas sur la
rue, il
y a des gens qui crient et croisent, d'autres personnes à
pied
ou sur un âne, ou conduisant des ânes
chargés et
d'autres en arrière d'une encombrante caravane de chameaux.
A un
certain endroit passe avec beaucoup de bruits de sabots et d'armes une
patrouille de légionnaires romains qui disparaissent
derrière une arcade qui enjambe une rue très
étroite et pierreuse.
Joseph
tourne à gauche et prend une rue plus large et plus belle.
J'aperçois l'enceinte crénelée tout au
fond de la
rue.
Marie
descend de l'âne près de la porte où se
trouve une
sorte d'abri pour les ânes. Joseph donne quelque argent
à
un garçon qui est accouru, pour acheter un peu de foin et il
tire un seau d'eau d'un puits rudimentaire situé dans un
coin,
pour la donner à l'âne.
Puis,
il rejoint Marie et ils entrent tous deux dans l'enceinte du Temple.
Ils se dirigent d'abord vers un portique où se trouvent ces
gens
que Jésus fustigea plus tard vigoureusement : les marchands
de
tourterelles et d'agneaux et les changeurs. Joseph achète
deux
blanches colombes. Il ne change pas d'argent. On se rend compte qu'il a
déjà ce qu'il faut.
Joseph
et Marie se dirigent vers une porte latérale où
on
accède par huit marches. Cette porte a un grand hall comme
assez
vaste et décoré. Là il y a
à droite et
à gauche deux sortes d'autels. On dirait des bassins peu
profonds car l'intérieur est plus bas que le bord
extérieur.
Je ne
sais si c'est Joseph qui a appelé : voilà
qu'accourt un
prêtre. Marie offre les deux pauvres colombes et moi qui
comprends leur sort, je détourne mon regard. J'observe les
ornements du très lourd portail, du plafond, du hall. Il me
semble pourtant voir, du coin de l'œil, que le
prêtre
asperge Marie avec de l'eau. Puis, Marie, qui, en même temps
que
les colombes avait donné au prêtre une petite
poignée de monnaie, entre avec Joseph dans le Temple
proprement
dit, accompagnée par le prêtre.
C'est
un endroit très orné. Sculptures à
têtes
d'anges avec rameaux et ornements courent le long des colonnes, sur les
murs et le plafond. Le jour pénètre par de
longues et
drôles fenêtres, étroites.
Marie
s'introduit jusqu'à un certain endroit, puis
s'arrête.
À quelques mètres d'elle il y a d'autres marches
et
au-dessus une autre espèce d'autel au-delà duquel
il y a
une autre construction.
Je
m'aperçois que je croyais être dans le Temple et
au
contraire j'étais au-dedans des bâtiments qui
entourent le
Temple proprement dit, c'est-à-dire le Saint, et
au-delà
duquel il semble que personne, en dehors des prêtres, ne
puisse
entrer. Ce que je croyais être le Temple n'est donc qu'un
vestibule fermé qui, de trois côtés,
entoure le
Temple où est renfermé le Tabernacle. Je ne sais
si je me
suis très bien expliquée, mais je ne suis pas
architecte
ou ingénieur.
Marie
offre le Bébé, qui s'est
éveillé et tourne
ses petits yeux innocents tout autour, vers le prêtre, avec
le
regard étonné des enfants de quelques jours. Ce
dernier
le prend sur ses bras et le soulève à bras
tendus, le
visage vers le Temple en se tenant contre une sorte d'autel qui est
au-dessus des marches. La cérémonie est
achevée.
Le Bébé est rendu à sa Mère
et le
prêtre s'en va.
Il y
a des gens, des curieux qui regardent. Parmi eux se dégage
un
petit vieux, courbé qui marche péniblement en
s'appuyant
sur une canne. Il doit être très vieux, je dirais
plus
qu'octogénaire. Il s'approche de Marie et lui demande de lui
donner pour un instant le Bébé. Marie le
satisfait en
souriant.
C'est
Siméon, j'avais toujours cru qu'il appartenait à
la caste
sacerdotale et au contraire, c'est un simple fidèle,
à en
juger du moins par son vêtement. Il prend l'Enfant, le baise.
Jésus lui sourit avec la physionomie incertaine des
nourrissons.
Il semble qu'il l'observe curieusement, parce que le petit vieux pleure
et rit à la fois et les larmes font sur sa figure des
dessins
emperlés en s'insinuant entre les rides et retombant sur la
barbe longue et blanche vers laquelle Jésus tend les mains.
C'est Jésus, mais c'est toujours un petit
bébé et,
ce qui remue devant lui, attire son attention et lui donne des
velléités de se saisir de la chose pour mieux
voir ce que
c'est. Marie et Joseph sourient, et aussi les personnes
présentes qui louent la beauté du
Bébé.
J'entends
les paroles du saint vieillard et je vois le regard
étonné de Joseph, l'émotion de Marie,
les
réactions du petit groupe des personnes
présentes, les
unes étonnées et émues aux paroles du
vieillard,
les autres prises d'un fou rire. Parmi ces derniers se trouvent des
hommes barbus et de hautains membres du Sanhédrin qui
hochent la
tête. Ils regardent Siméon avec une ironique
pitié
; ils doivent penser que son grand âge lui a fait perdre la
tête. Le sourire de Marie s'éteint en une plus
vive
pâleur, lorsque Siméon lui annonce la douleur.
Bien
qu'elle sache, cette parole lui transperce l'âme. Marie
s'approche davantage de Joseph pour trouver du réconfort ;
elle
serre passionnément son Enfant sur son sein et, comme une
âme altérée, elle boit les paroles
d'Anne qui,
étant femme, a pitié de la souffrance de Marie et
lui
promet que l'Eternel adoucira l'heure de sa douleur en lui communiquant
une force surnaturelle : " Femme, Celui qui a donné le
Sauveur
à son peuple ne manquera pas de te donner son ange pour
soulager
tes pleurs. L'aide du Seigneur n'a pas manqué aux grandes
femmes
d'Israël et tu es bien plus que Judith et que Yaël.
Notre
Dieu te donnera un cœur d'or très pur pour
résister
à la mer de douleur par quoi tu seras la plus grande Femme
de la
création, la Mère. Et toi, Petit, souviens-toi de
moi
à l'heure de ta mission "
Les trois Rois Mages
Je
vois Bethléem, petite et toute blanche sous la
lumière
des étoiles. Deux rues principales s'y coupent à
angle
droit. D'autres petites rues découpent ce petit pays, sans
la
moindre trace d'un plan d'ensemble, mais s'adaptant au terrain qui est
à plusieurs niveaux. De temps en temps il y a une petite
place,
soit pour un marché, soit pour une fontaine, au milieu des
constructions qui se dressent au hasard.
A un
endroit, il y a précisément une de ces petites
places
irrégulières.
Elle
s'amène comme un trapèze si bizarre qu'on dirait
un
triangle rectangle dévié au sommet. Le
côté
le plus long, la base du triangle, est un bâtiment large et
bas,
le plus large du pays. Du dehors, c'est une haute muraille lisse et nue
sur laquelle s'ouvrent à peine deux portes
cochères. A
l'intérieur, au contraire, il y a de nombreuses
fenêtres
au premier étage, alors qu'au rez-de-chaussée on
voit des
portiques qui entourent des cours jonchées de paille et de
détritus avec des vasques pour abreuver chevaux et autres
animaux. Aux rustiques colonnes des portiques il y a des anneaux pour
attacher les animaux et, sur un côté, un vaste
hangar pour
abriter les troupeaux et les montures. Je comprends qu'il s'agit de
l'auberge de Bethléem.
Sur
deux autres côtés de même longueur il y
a des
maisons et des maisonnettes, certaines
précédées
d'un jardinet. En face du caravansérail, il y a une unique
maisonnette avec un petit escalier extérieur. Elles sont
toutes
fermées car il fait nuit. Dans les rues il n'y a personne
à cause de l'heure.
Je
vois qu'augmente la clarté nocturne qui tombe d'un ciel
constellé d'étoiles si belles dans le ciel
d'Orient, si
vivantes et si grandes qu'elles paraissent toutes proches et qu'il
serait facile de les rejoindre et de les toucher, ces fleurs qui
brillent sur le velours du firmament. Je lève les yeux pour
me
rendre compte de la source de cette croissante lumière. Une
étoile de grandeur inhabituelle, comme une petite lune,
s'avance
dans le ciel de Bethléem. Les autres semblent
s'éclipser
et lui donner passage, comme des suivantes au service de la reine, tant
son éclat les surpasse et les fait disparaître. Du
globe
qui semble un énorme et clair saphir
éclairé de
l'intérieur par un soleil, part un sillage lumineux dans
lequel,
se fondent les blonds des topazes, les verts des émeraudes,
la
lueur opalescente des opales, les clartés sanguines des
rubis et
les doux scintillements des améthystes. Toutes les pierres
précieuses de la terre sont dans ce sillage qui parcourt le
ciel
d'un mouvement rapide et ondulant comme s'il était vivant.
Mais
la couleur qui domine, c'est cette couleur qui semble pleuvoir du globe
de l'étoile : la paradisiaque couleur de pâle
saphir qui
descend pour colorer d'argent azuré les maisons, les rues,
le
sol de Bethléem, berceau du Sauveur. Ce n'est plus la pauvre
cité, qui pour nous ne serait qu'une
agglomération
rurale. C'est une fantastique cité de contes de
fées
où tout est d'argent. L'eau des fontaines et des vasques est
comme du diamant liquide.
Avec
la splendeur d'un plus vif éclat, l'étoile
s'arrête
au-dessus de la petite maison qui se trouve sur le
côté
étroit de la petite place. Ni ses habitants, ni ceux de
Bethléem ne la voient parce qu'ils dorment dans les maisons
fermées. Cependant l'étoile
accélère les
palpitations de sa lumière, et sa queue vibre et se balance
davantage en décrivant des demi-cercles dans le ciel qui
s'éclaire tout entier par l'effet de ce filet d'astres
qu'elle
entraîne, de ce filet de pierres précieuses qui
resplendissent de mille couleurs sur les autres étoiles
comme
pour leur communiquer une parole joyeuse.
La
petite maison est toute baignée de ce feu liquide de perles.
Le
toit de la petite terrasse, le petit escalier de pierre sombre, la
petite porte, tout est un bloc de pur argent saupoudré d'une
poussière de diamants et de perles. Nul palais de roi n'a
eu, ni
n'aura un perron semblable à celui-ci fait pour recevoir les
pas
des anges, pour servir à la Mère qui est la
Mère
de Dieu. Ses petits pieds de Vierge Immaculée peuvent se
poser
sur cette éclatante blancheur, ses petits pieds
destinés
à se poser sur les degrés du trône de
Dieu.
Mais
la Vierge ne sait rien de cette féerie. Elle veille
près
du berceau du Fils et prie. En son âme elle
possède des
splendeurs qui surpassent celles dont l'étoile embellit les
choses.
De la
rue principale s'avance un défilé : chevaux
harnachés et d'autres conduits à la main,
dromadaires et
chameaux, les uns montés, les autres chargés. Le
son des
sabots fait un bruit d'eau qui ruisselle, en les heurtant, sur les
pierres d'un torrent. Arrivés sur la place, tous
s'arrêtent. Le défilé, sous le
rayonnement de
l'étoile, est d'une splendeur fantastique. Les ornements des
très riches montures, les habits des cavaliers, les visages,
les
bagages, tout resplendit ravivant et unissant le propre
éclat
des métaux, des cuirs, des soies, des gemmes, des pelages,
à la clarté de l'étoile. Les yeux
rayonnent et les
bouches sourient car une autre splendeur s'est allumée en
leur
cœur : celle d'une joie surnaturelle.
Pendant
que les serviteurs se dirigent vers le caravansérail avec
les
animaux, trois personnages de la caravane descendent de leurs
respectives montures qu'un serviteur conduit ailleurs et se dirigent
à pied vers la maison. Là, ils se prosternent,
front
contre terre, baisant la poussière. Ce sont trois
personnages
puissants comme l'indiquent leurs très riches habits. L'un,
de
peau très foncée, à peine descendu
d'un chameau
s'enveloppe tout entier dans un magnifique vêtement de soie
blanche. Son front est ceint d'un cercle de métal
précieux et il a à la taille une riche ceinture
d'où pendent un poignard ou une épée
dont la garde
est ornée de gemmes. Les deux autres, descendus de deux
magnifiques chevaux, sont vêtus l'un d'une étoffe
rayée très belle où domine la couleur
jaune. Cet
habit est fait comme un long domino garni d'un capuchon et d'un cordon
qui semblent faits tout d'une pièce en filigrane d'or tant
ils
sont ornés de broderie d'or. Le troisième porte
une
chemise de soie bouffante qui sort d'un large et long pantalon
serré aux pieds. Il est enveloppé dans un
châle
très fin, véritable jardin fleuri tant sont vives
les
couleurs dont il est orné tout entier. Sur la tête
un
turban retenu par une chaînette ornée de chatons
de
diamants.
Après
avoir vénéré la maison où
réside le
Sauveur, ils se relèvent et se rendent au
caravansérail
où les serviteurs ont frappé et fait ouvrir.
Voilà
le jour. Un beau soleil resplendit dans un ciel
d'après-midi. Un
serviteur des trois mages traverse la place et monte le petit escalier
de la maisonnette. Il rentre, il sort, il retourne à
l'auberge.
Les
trois Mages sortent, suivis chacun de son propre serviteur. Ils
traversent la place. Les rares passants se retournent pour regarder les
majestueux personnages qui passent très lentement avec
solennité. Entre la venue du serviteur et celle des trois,
il
s'est passé un bon quart d'heure ce qui a donné
aux
habitants de la maisonnette le temps de se préparer
à
recevoir les hôtes.
Ceux-ci
sont encore plus richement vêtus que le soir
précédent. Les soies resplendissent, les gemmes
brillent,
un grand panache de plumes de grand prix parsemé
d'écailles encore plus précieuses
étincelle sur la
tête de celui qui porte le turban.
L'un
des serviteurs porte un coffre tout orné de marqueteries
dont
les garnitures métalliques sont en or buriné. Le
second
porte une coupe d'un travail très fin, couvert par un
couvercle
tout en or ciselé. Le troisième une sorte
d'amphore large
et basse, en or également, avec une fermeture en forme de
pyramide qui à son sommet porte un brillant. Ces objets
doivent
être lourds, car les serviteurs ont peine à les
porter,
spécialement celui qui est chargé du coffre.
Les
trois montent l'escalier et entrent. Ils
pénètrent dans
une pièce qui va de la route à
l'arrière de la
maison. On aperçoit le jardinet par derrière
à
travers une fenêtre ouverte au soleil. Des portes s'ouvrent
dans
les deux autres murs, d'où regardent les
propriétaires de
la maison : un homme, une femme et trois ou quatre enfants entre deux
âges.
Marie
est assise avec l'Enfant sur son sein et Joseph debout à
côté. Mais elle se lève aussi et
s'incline quand
elle voit entrer les trois Mages. Elle est toute vêtue de
blanc.
Si belle dans son simple habit qui la couvre de la base du cou aux
pieds, des épaules aux poignets délicats, si
belle avec
la tête couronnée de tresses blondes, en son
visage que
l'émotion couvre d'un rose plus vif, en ses yeux qui
sourient
avec douceur, avec une bouche qui s'ouvre pour saluer : " Dieu soit
avec vous. " Les trois Mages en restent un instant interdits. Puis ils
s'avancent, se prosternent à ses pieds et la prient de
s'asseoir.
Eux
non, ils ne s'assoient pas malgré l'invitation de Marie. Ils
restent à genoux appuyés sur leurs talons. En
arrière et à genoux aussi, sont les trois
serviteurs. Ils
sont tout de suite derrière le seuil. Ils ont
posé devant
eux les trois objets qu'ils portaient et ils attendent.
Les
trois Sages contemplent le Bébé. Il me
paraît avoir
de neuf mois à un an tant il est
éveillé et
robuste. Il repose sur le sein de sa Mère. Il sourit et jase
avec une voix de petit oiseau, il est tout vêtu de blanc,
comme
la Maman, avec des sandalettes minuscules aux pieds. Un petit
vêtement très simple : une tunicelle
d'où sortent
les petits pieds remuants, les mains grassouillettes qui voudraient
tout saisir, et surtout le très joli petit visage
où
brillent les yeux d'azur foncé, et la bouche qui fait des
fossettes des deux côtés quand il rit et
découvre
ses premières petites dents. Les petites boucles de cheveux
semblent une poussière d'or tant ils sont brillants et
vaporeux.
Le
plus âgé des Sages parle au nom de tous, il
explique
à Marie qu'ils ont vu, une nuit du mois de
décembre
précédent une nouvelle étoile qui
s'est
allumée dans le ciel avec une inhabituelle splendeur. Jamais
les
cartes célestes n'avaient porté cet astre ou ne
l'avaient
signalé. Son nom était inconnu. Elle n'avait pas
de nom.
Née du sein de Dieu, elle avait fleuri pour dire aux hommes
une
vérité bénie, un secret de Dieu. Mais
les hommes
n'en avaient pas fait cas, car leurs âmes étaient
plongées dans la boue. Ils ne levaient pas leurs regards
vers
Dieu et ne savaient pas lire les paroles qu'il trace - qu'il en soit
éternellement béni - avec les astres de feu sur
la
voûte des cieux.
Eux
l'avaient vue et s'étaient efforcés de comprendre
sa
voix. Renonçant de bon cœur au peu de sommeil
qu'ils
accordaient à leurs membres, oubliant de manger, ils
s'étaient plongés dans l'étude du
Zodiaque. Et les
conjonctions des astres, le temps, la saison, les calculs des anciens
temps et des combinaisons astronomiques leur avaient dit le nom et le
secret de l'étoile. Son nom : " Messie ". Son secret : "
Être le Messie venu au monde ". Et ils étaient
partis pour
l'adorer chacun à l'insu des autres. Traversant monts et
déserts, vallées et fleuves, voyageant de nuit,
ils
étaient venus vers la Palestine car l'étoile
allait dans
cette direction. Et chacun, des trois points différents de
la
terre, s'en allait vers cette direction, et ils s'étaient
trouvés ensuite ensemble au-delà de la Mer Morte.
La
volonté de Dieu les avait réunis là,
et ensemble
ils étaient allés de l'avant se comprenant, bien
que
chacun parlât sa langue propre, comprenant et pouvant parler
les
langues des pays traversés par un miracle de
l'Éternel.
Ensemble
ils étaient allés à
Jérusalem parce que le
Messie devait être le Roi de Jérusalem, le roi des
Juifs.
Mais l'étoile s'était cachée sur le
ciel de cette
ville, ils avaient senti leurs cœurs se briser de douleur et
s'étaient examinés pour savoir s'ils avaient
démérité de Dieu. Mais ayant
apaisé leur
conscience, ils étaient allés trouver le roi
Hérode pour lui demander dans quel palais était
né
le Roi des Juifs qu'ils étaient venus adorer. Le roi, ayant
réuni les princes des prêtres et les scribes, leur
avait
demandé où pouvait naître le Messie et
ils avaient
répondu : " A Bethléem de Juda. "
Ils
étaient venus vers Bethléem et
l'étoile
était réapparue à leurs yeux, avait
quitté
la Cité Sainte et le soir précédent
avait
augmenté de splendeurs. Le ciel était tout
embrasé. Puis, l'étoile s'était
arrêtée, rassemblant la lumière des
autres
étoiles en son rayonnement, au-dessus de cette maison. Ils
avaient compris que c'était là que se trouvait le
Divin
Né. Maintenant ils l'adoraient, offrant leurs pauvres
cadeaux
et, par-dessus tout, leur cœur qui n'avait jamais
cessé de
bénir Dieu pour la grâce qu'Il leur avait
accordée
d'aimer son Fils dont ils voyaient la sainte Humanité.
Ensuite
ils retourneraient rendre compte au roi Hérode parce que lui
aussi désirait l'adorer.
"
Voici à la fois, l'or qu'il convient à un roi de
posséder, voici l'encens comme il convient à un
Dieu, et
voici, ô Mère, voici la myrrhe parce que ton
Enfant
Né, qui est Dieu, est aussi un Homme et dans sa chair et sa
vie
d'homme il connaîtra l'amertume et la loi
inévitable de la
mort. Notre amour voudrait ne pas les dire, ces paroles et penser que
sa chair est éternelle comme son Esprit. Mais, ô
Femme, si
nos cartes et surtout nos âmes ne se trompent pas, Lui, ton
Fils
est le Sauveur, le Christ de Dieu et pour ce motif il devra, pour
sauver la terre, prendre sur Lui le mal de la terre dont un des
châtiments est la mort. Cette myrrhe est pour cette heure,
pour
que ses chairs saintes ne connaissent pas la pourriture de la
corruption et conservent leur intégrité
jusqu'à la
résurrection. Qu'à cause de ces dons, Lui se
souvienne de
nous et sauve ses serviteurs en leur donnant son Royaume. Pour
l'instant, pour notre sanctification, qu'elle, sa Mère,
offre
son petit Enfant à notre amour. Et en baisant ses pieds
descende
sur nous la bénédiction céleste. "
Marie,
qui a surmonté l'effroi provoqué par les paroles
des
Sages et a caché sous un sourire la tristesse de la
funèbre évocation, offre le
Bébé. Elle le
met sur les bras du plus ancien qui le baise et reçoit ses
caresses, et puis le passe aux autres. Jésus sourit et joue
avec
les chaînettes et les franges des trois. Il regarde avec
curiosité l'écrin ouvert plein d'une
matière jaune
et brillante. Il rit en voyant que le soleil fait un arc-en-ciel en
touchant le brillant du couvercle de la myrrhe.
Puis
les trois rendent le Bébé à sa
Mère et se
lèvent. Marie aussi se lève. Le plus jeune des
Mages
donne à son serviteur l'ordre de sortir, alors on s'incline
de
chaque côté. Les trois parlent encore un peu. Ils
ne
peuvent se décider à quitter cette maison. Des
larmes
d'émotion se voient dans tous les yeux. A la fin ils se
dirigent
vers la sortie, accompagnés de Marie et de Joseph.
Le
Bébé a voulu descendre et donner sa petite main
au plus
ancien des trois. Il marche ainsi, une main dans la main de Marie,
l'autre dans celle du Sage qui se penche pour le conduire.
Jésus
a le pas encore incertain de l'enfant et rit en frappant du pied la
bande lumineuse que fait le soleil sur le pavé.
Arrivés
au seuil, les trois personnages prennent congé en
s'agenouillant
une dernière fois et en baisant les pieds de
Jésus.
Marie, penchée sur le Bébé, prend sa
petite main
et la guide pour faire un geste de bénédiction
sur la
tête de chacun des Mages. C'est déjà un
signe de
croix tracé par les petits doigts de Jésus que
guide
Marie.
Puis
les trois descendent l'escalier. La caravane est
déjà
là toute prête et qui attend. Les bossettes des
chevaux
resplendissent au soleil couchant. Les gens se sont
rassemblés
sur la petite place pour voir l'insolite spectacle.
Jésus
rit en battant les petites mains. La Maman l'a soulevé et
appuyé au large parapet qui borde le palier. Elle le tient,
avec
un bras sur sa poitrine pour l'empêcher de tomber. Joseph est
descendu avec les trois et tient l'étrier à
chacun d'eux
pendant qu'ils montent à cheval ou à chameau.
Maintenant, serviteurs et maîtres, tout le monde est en selle. On donne le signal du départ. Les trois se courbent jusque sur le cou de leurs montures pour un ultime salut. Joseph s'incline. Marie aussi, et elle se met à guider la petite main de Jésus en un geste d'adieu et de bénédiction.
Autres
passages: JÉSUS
INSTRUIT
JUDAS ISCARIOTE
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Audio:
Le
séjour de la Sainte Famille en Egypte - La
Passion de Jésus (livre 9)
Livres:
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