Origine du culte de Notre-Dame d'Espérance:

Livret à imprimer pour déposer dans les églises

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« Ouvrez-vous à la prière afin que
 la prière soit un besoin pour vous.
»



"Je suis dans le
 Très Saint Rosaire"


















Notre-Dame d'Espérance de Saint-Brieuc (4ème partie)

<<1ERE PARTIE Origines
 
<<2EME PARTIE  Le Couronnement

 <<3EME PARTIE: Les trois guerres et les trois voeux

4EME PARTIE: Pèlerinages,   Action Sociale

>>5EME PARTIE:  Les épreuves






Les Pèlerinages

LE MOIS DE MARIE

C'est le mois de Marie. Il est plus que centenaire, puisque c'est en 1838 que la Congrégation des Artisans et des Marchands l'inaugura dans la chapelle Saint-Pierre. Elle tenait si bien à ses prérogatives que, lorsqu'en 1852, l'Evêque de Saint-Brieuc prit une ordonnance pour le réglementer dans les églises et chapelles de la ville et n'autoriser les instructions que deux fois par semaine, elle protesta avec autant de respect que de solennité pour rappeler que la chapelle St-Pierre, ayant été le berceau du mois de Marie, des égards lui étaient dus, en l'occurence le maintien de ses privilèges. Mgr Le Mée voulut bien le reconnaître. Aujourd'hui comme hier, il n'a pas perdu de son éclat, au contraire, et j'imagine que les foules qui, à l'appel des carillons, affluent vers la Basilique, doivent être possédées des mêmes sentiments que ceux si délicatement exprimés par l'abbé Perreyve dans sa belle prière :

Vierge Sainte, au milieu de vos jours glorieux, n'oubliez pas les tristesses de la terre. Jetez une regard de bonté sur ceux qui sont dans la souffrance, qui luttent contre les difficultés et qui ne cessent de tremper leurs lèvres aux amertumes de cette vie. Ayez pitié de ceux qui pleurent, de ceux qui prient, de ceux qui tremblent. Donnez à tous l'Espérance et la Paix. Ainsi soit-il!

C'est le mois de Marie. Trente jours de méditations sur les vertus mariales, chaque année exposées et développées par des orateurs de renom, la plupart disciples de saint François, de saint Dominique, de saint Ignace, tous héraults de Marie, au milieu des fidèles massés autour de la chaire, des fleurs et des lumières, des cantiques et des hymnes portés sur les orgues et chantés chœurs de jeunes filles. Ils sont le prélude à la journée d'apothéose: le Pardon du 31 mai.


LA PROCESSION AUX FLAMBEAUX

Si, pour la première fois, la fête patronale de l'Archiconfrérie fut célébrée le jour de la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs, le 3e dimanche de septembre 1848, et le cantique Mère de l'Espérance, composé par le chanoine Prud'homme, chanté pour la première fois en la fête de la Compassion de Notre-Dame (mars 1849), la première procession aux flambeaux clôtura, le 31 mai 1839, les exercices du mois de L'abbé Prud'homme eut, en effet, l'idée de tracer un cercle de feu à la Madone à travers les rues que son humble chapelle dominait. Mgr Le Groing de la Romagère, malgré son grand âge et ses infirmités, tint à présider la fête. On y remarquait plusieurs arcs de triomphe, entre autres celui de la rue Vicairie «resplendissant de feux en spirales d'un effet magique.
»

A la procession de 1852, pour la première fois, la nouvelle statue de Notre-Dame d'Espérance fut portée: cette année les travaux de voirie exécutés rue Vicairie obligèrent le cortège à prendre la rue du Bourg-Vasé et à remonter la côte Saint-Pierre. En 1868, à l'éclairage aux bougies fut substitué l'éclairage au gaz ; en 1917, l'électricité remplaça le gaz.

En 1870 et en 1871, par suite de l'encombrement de la place de la Préfecture pour les travaux de reconstruction de l'Hôtel de Ville, le reposoir fut édifié sur le Champ de Mars. Pluvieuse ou ensoleillée, la journée culminante verra les foules pèlerines suivre, à la Basilique, l'office propre de Notre-Dame, concédé en 1881 par le Pape Léon XIII, et mettre dans la cité briochine l'animation des grands jours. A chaque heure s'envoleront dans les airs, semblables à des billes d'or roulant dans une coupe de cristal, les notes du carillon chantant les mélodies mariales.

Et voici le soir. Sur la place Saint-Pierre les bruits d'oraisons arrivent en sourdine; dans l'église se répercutent les échos des premiers chants lancés sur le parvis. A l'envol des carillons, l'écheveau de tout un peuple commence à se dévider ; derrière la croix lumineuse, l'émouvante manifestation défilera durant deux longues heures, priante et chantante, au milieu d'une autre foule formant la haie et qui, par instants, s'agrégera au cortège sacré. Ici et là, des musiques martèlent la marche et mettent des notes d'harmonie sur des poésies mariales. C'est tout un poème de lumière qui déroule ses strophes sonores à travers la cité ; à travers les maisons étincelantes, en robe du soir. Dans la vieille langue celtique, les pèlerins de Cornouaille et du Trégor font l'appel de leurs Madones de Bon-Secours, du Guiaudet, de la Clarté, de Bonne Nouvelle, de Rostrenen; les pèlerins de langue française ne sont pas moins ardents pour invoquer celles de leurs terroirs: Notre-Dame de la Délivrance, de Grande Puissance, de Bel-Air, des Vertus, de Nazareth, de Toute-Aide...

Jalonnant la procession, les groupes des Congrégations entretiennent la prière commune. Parmi les lumières, les reliques et les ex-voto défilent, portés à bras d'homme, comme les bannières du veu de 1871 et la bannière de Chine; ou sur les épaules, comme les reliques de saint Tarcisius et l'imposant navire «La France», don d'un équipage sauvé d'un naufrage, sous lequel se relayent les candidats à l'Ecole Navale du Collège Saint-Charles.

Et, dominant tous les fronts qui se courbent, voici, émergeant d'un trône de lumière surchargé des décorations que lui léguèrent, en manière de reconnaissance, des légions d'hommes échappés de la tourmente, voici la statue vénérée de Notre-Dame d'Espérance, la Vierge au doux sourire, portant sur son coeur de mère la sublime panoplie des sept glaives des Douleurs. Sur sa tête et, retombant sur ses épaules et celles de l'Enfant, a été posé un ample voile de tulle richement brodé, retenu par les couronnes d'or, serties de pierreries, décernées par le Pape Pie XI en 1865.

A son passage toute la symphonie lumineuse s'augmente des clartés des feux de bengale. Et elle s'en va, à travers la cité, suivie de l'Evêque plus souvent des Evêques et de la foule immense. Mais, avant de terminer son périple, elle fera une station au coeur de la ville, sur la place de la Cathédrale, où, au coude à coude, toutes les classes sociales confondues, attendent le moment de clamer leur joie. Aux chants, aux musiques, à la voix puissante des cloches de la Cathédrale, dont les cordons lumineux dessinent le porche d'entrée et les rares motifs architecturaux de ses tours-forteresse, la statue de Notre-Dame est placée sur le large plateau dressé au centre d'un reposoir gothique, tout étincelant d'électricité. Alors dans le ciel s'élève, dans toute sa beauté et sa splendeur, le Magnificat. C'est la merveilleuse et sublime histoire de l'enfantement du Christ qui apporte aux hommes de bonne volonté la paix, les libère de l'esclavage, affirme leur dignité au milieu des Césars et leur égalité devant Dieu, donne au monde qui se débat dans des convulsions atroces, la grande loi d'amour et de fraternité. C'est parce qu'il devine tout cela - s'il ne le sait pas au juste - que le peuple chrétien chante de toute son âme. Autrefois, sur le podium, le prédicateur du mois de Marie apportait sa dernière prière à la gloire de la Vierge. Aujourd'hui, c'est le chef du diocèse qui remercie et bénit tandis qu'un cantique s'élève, celui du pèlerinage, celui auquel souriait, à Pontmain, la Vierge aux Etoiles:
«Mère de l'Espérance Dont le nom est si doux, Protégez notre France, Priez, priez pour nous.»

Le gigantesque damier sur lequel les étoiles semblent palpiter à la pointe des cierges se meut insensiblement à la cadence des hymnes. Tout là-haut, dressée sur son roc, la basilique s'affirme, dans les clartés électriques son architecture se dessine, légère, sa flèche flamboie sous des brasiers de bengale placés à sa base. Dans une vapeur d'encens, dans la chaleur des cires qui, perpétuellement, brûlent sur des herses de fer, la foule s'engouffre.

Lorsque la Madone a pris place dans le choeur, sous les hautes voûtes chargées de prières, le Te Mariam Laudamus, s'élève triomphant : dernier cri de joie du Pardon. Une dernière bénédiction: celle de l'Hostie Sainte qui trace au-dessus de la foule le signe de la Rédemption.

Dans un instant le Directeur de l'Archiconfrérie dira toute sa reconnaissance au peuple fidèle. Avant les méditations de la nuit, un missionnaire demandera miséricorde pour tous les péchés, invitera à la prière collective pour les familles, pour ceux qui détiennent l'autorité spirituelle et temporelle, pour les missionnaires, pour le Pontife Souverain qui conduit vers ses destinées divines l'Eglise du Christ, flambeau de la Justice, de la Charité et de la Paix.

C'est maintenant la messe de minuit qui, depuis 1874, inaugure la pieuse veillée. Et toute la nuit les messes se succéderont ; la Table sainte verra s'agenouiller les pèlerins qui bientôt, sous le regard bienveillant de la Vierge, s'assoupiront et, au petit matin, après une dernière prière, regagneront, plus forts, leurs tâches quotidiennes.

A l'espérance vient s'ajouter la reconnaissance. Le lundi 23 mai 1871, Notre-Dame d'Espérance recevait une délégation de 968 pèlerins de la ville de Morlaix venus la remercier de la protection dont elle avait couvert la Bretagne. Les 7 et 8 septembre 1873, année du 25° anniversaire de la fondation de l'Archiconfrérie, le diocèse de Saint-Brieuc et les diocèses voisins réunissaient 40.000 pèlerins qui se partagèrent les deux journées. Le 7 septembre, face à la Cathédrale, sur un reposoir à double étage portant un autel surmonté d'un baldaquin, Mgr Le Breton, évêque du Puy, officiait et le soir, la ville s'illuminait.

Le lendemain, 8 septembre, ce fut l'évêque de Coutances, Mgr Bravard qui chanta la grand'messe pontificale. Le 30 mai 1889, bénédiction de la statue de saint Tarcisius et inauguration des pèlerinages des premiers communiants des paroisses et collèges de la ville. Chaque année, notons-le encore, au cours du mois de Marie, ou en fin d'année scolaire, les Congrégations, les écoles chrétiennes et les collèges d'enseignement secondaire viennent, à tour de rôle, remercier Notre-Dame et lui confier leurs destinées.

Enfin, en 1945, au cours de son «Grand Retour
» à travers le diocèse, organisé par le Directeur des chapelains de Notre-Dame d'Espérance, Notre-Dame de Boulogne était accueillie, le 11 février, à la Basilique, et reconduite, dans une manifestation grandiose, qui groupa 20.000 fidèes, jusqu'à l'Eglise Saint-Michel. Centre de pèlerinages, la Basilique a été et reste le point de départ des pèlerinages qui, périodiquement, s'en vont à travers la France, porter la prière du diocèse de Saint-Brieuc.

Le lundi 21 septembre 1874, le premier pèlerinage vers N.D.de Lourdes, groupa 700 pèlerins. A cette époque, le voyage coûtait 68 francs en 2° classe et 47fr.50 en 3º classe; il fallait 32 heures pour se rendre de Saint-Brieuc à Lourdes en suivant cet itinéraire: Saint-Brieuc, Rennes, Le Mans, Tours, Poitiers et Bordeaux.

En 1883, pour la première fois des malades pauvres y furent admis, et la première guérison à la grotte, officiellement constatée, celle d'Eliza Crolais, du Bureau de Charité de Saint-Brieuc. Depuis 1874 jusqu'en 1947, moins la période des deux guerres de 1914 et de 1939, les chapelains de Notre-Dame d'Espérance ont conduit à Notre-Dame de Lourdes 56 pèlerinages qui comprenaient 147 trains et environ 113.000 pèlerins. Pontmain, La Salette, Notre-Dame de Brebières, Notre-Dame de Fourvières, Ars, le Sacré-Coeur de Montmartre, Notre-Dame des Victoires, Sainte-Thérèse de Lisieux, le Mont Saint-Michel, Saint-Martin de Tours connaissent également les délégations bretonnes.

Périodiquement, Sainte-Anne d'Auray accueille cordialement ses voisins ; et la modeste et délicieuse petite chapelle de Sainte-Anne du Houlin, sur les bords du Gouët, restaurée en 1842 par le chanoine Prud'homme, en reconnaissance de la guérison rapide d'une de ses petites nièces dangereusement malade, offre annuellement aux membres de la Mutualité et à leur famille, l'intimité de son oratoire et la fraicheur de son site.


Notre-Dame du Travail et de l'Action Sociale Catholique

NOTRE-DAME DU TRAVAIL

Mais, Notre-Dame d'Espérance est aussi Notre-Dame du Travail. C'est dans les plis de son manteau que se retrouvent, aux jours de fêtes carillonnées, au soir des rendez-vous marials, les artisans et les marchands, puis, plus tard, le cercle des ouvriers, les syndicalistes et coopérateurs de la première heure, les mutualistes d'avant les ordonnances, lois ou décrets, les animateurs des oeuvres sociales, l'équipe du secrétariat du peuple, les conférenciers de l'éducation populaire, de la Bonne Presse, etc...

Sa maison, la maison de ses chapelains, fut la première «Maison du Peuple», largement accueillante, ouverte à tous, de quelque obédience qu'ils soient.

En septembre 1845, le Directeur de la Congrégation prend en charge un patronage pour les enfants et les jeunes apprentis de la ville, fondé l'année précédente à l'école des Frères, par la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, qui s'y trouvait trop à l'étroit. Aumônier du «Patro» dirions-nous aujourd'hui - le chanoine Prud'homme donnait à tous, chaque dimanche, des conférences religieuses, doublées de notes sociales. D'un autre côté, ses congréganistes, la plupart des ouvriers n'échappaient pas à sa sollicitude; frappé par la gêne qui s'emparait des familles lorsque la maladie atteignait le chef, il fonda une caisse de secours mutuels et fit adopter, le 7 décembre 1845, les statuts qu'il avait rédigés; il organisa, par quartiers, la visite des malades. Le 27 avril 1873, sous la présidence de Mgr David, en présence du préfet, M. de Flavigny, du général commandant la subdivision et de M. Piedvache, maire de Saint-Brieuc, il inaugurait le Cercle Catholique d'Ouvriers qu'il affilia, peu après, à l'oeuvre générale des cercles, créée sous l'impulsion du comte Albert de Mun el de Léon Harmel.

«...En marchant de concert, s'exprimait-il à la séance inaugurale, et en nous appuyant mutuellement ainsi que cela se pratique en quantité de villes, nous parviendrons certainement au noble but que nous nous proposons tous: combattre la haine par l'amour et trouver dans l'union chrétienne des cours une force qui réhabilite la Société malade et gangrenée, replace Dieu au centre de la Famille et sauve la France...»

En fin d'année 1874, le Cercle Notre-Dame groupait 300 membres, réorganisait sur des bases nouvelles sa section «Mutualité», fixait sa fête annuelle au dimanche de la fête du Patronage de Saint-Joseph la première fut célébrée le 18 avril 1875 et mettait à la disposition de ses sociétaires une salle de jeux, une bibliothèque et un théâtre, sur lequel, en 1879, se joua, pour la première fois, la fameuse Pastorale de Noël où des foules venaient pour vivre le «Mystère de la Nativité». En 1883, un décret vint interdire aux soldats et aux fonctionnaires l'entrée des Cercles Catholiques. Un vide se produisit, vite comblé par le dynanisme du nouveau directeur, l'abbé Guillo Lohan, et de l'abbé Collin qui devait rester son collaborateur une vingtaine d'années. Le développement du Cercle Notre-Dame nécessita bientôt de nouveaux aménagements; en novembre 1887 fut inaugurée l'actuelle salle des fêtes, qui s'ouvrit chaque mois aux conférenciers et aux multiples Congrès d'Associations et d'oeuvres qui voulaient bien en solliciter l'entrée. L'un des congrès les plus marquants fut, sans conteste, le Régional de l'OEuvre des Cercles Catholiques d'Ouvriers, qui y tint séances du 16 au 19 novembre 1893.

Les conditions dans lesquelles il fut lancé, presqu'au lendemain de cet acte magistral du Pape Léon XIII, l'Encyclique Rerum Novarum, intriguèrent assez les «prudents» les «politiques et les
«indifférents»; il y eut des oppositions et, dans les salons, des discussions s'engagèrent sur son opportunité.

L'autorité de ses animateurs: Mgr Fallières, le R. P. du Lac, l'abbé Garnier, Léon Harmel, l'abbé Naudet, René Paturel, l'abbé de la Villerabel et le comte Albert de Mun, qui enthousiasma ses 4.000 auditeurs au meeling de clôture des Forges et Aciéries, calma les inquiétudes et affirma devant l'opinion, l'OEuvre des Cercles.

En trois quarts de siècle, le Cercle Notre-Dame transformé plus tard en Mutualité Notre-Dame d'Espérance, connut aux présidences: celles de MM. Pocart-Kerviler, Loncle, Lemière, Gilbert et Paturel. La plus remarquable fut celle de René Paturel qui s'échelonna sur quarante années. Fortement imprégné des directions sociales de Léon XIII, sa nature et ses qualités professionnelles tant qu'il put les faire valoir au Barreau de Saint-Brieuc, l'inclinèrent fortement vers la classe ouvrière et les déshérités de la vie au service desquels il mit sa plume alerte, son talent oratoire et ses générosités discrètes. En bref: un dévouement total, servi par un grand coeur, qu'animait le Message Evangélique.


MAISON DE L'ACTION SOCIALE CATHOLIQUE

En même temps que dans la basilique voisine, se réunissaient les Mères Chrétiennes fondées en 1855, à l'instar des pieuses associations de Paris et de Lille, sous l'inspiration de Mme la comtesse Harscouët, qui s'en ouvrit à l'Evêque, lequel accueillit favorablement sa supplique et confia la direction de la nouvelle confrérie au chanoine Prud'homme.

En même temps que le Tiers-Ordre franciscain regroupait chaque mois ses membres pour les exercices de sa Fraternité, la Maison des Chapelains, toutes portes ouvertes, abritait en 1897 les congressistes des Associations Ouvrières Catholiques, animées par le R.P.Anizan et, l'année suivante, l'Association des Médecins Catholiques de Bretagne dirigée par l'abbé Dulong de Rosnay. Vinrent également y prendre contact, les mouvements catholiques de formation religieuse, d'éducation sociale et d'organisation professionnelle: Le Sillon, La Jeunesse Catholique, La Croix, les Syndicats Chrétiens, etc...

La Maison des Chapelains avec sa salle de séances et ses salles de réunion a abrité, de 1917 à 1940, le Foyer catholique des soldats. Animé par les chanoines Heurtel et Duchesne, et à partir de 1928 par les chapelains de la Basilique, l'oeuvre a vu se succéder des générations de soldats qui ont gardé le meilleur souvenir de l'accueil et des conseils qui leur furent ménagés.


Les Directeurs, les Chapelains

LE CHANOINE LUDOVIC GUILLO LOHAN

Associé depuis près de vingt années, de par la ferme volonté de Mgr David, à l'apostolat et aux initiatives de son oncle, le chanoine Prud'homme, l'abbé Ludovic Guillo Lohan fut invité, par son évêque, à prendre en mains les destinées de l'Archiconfrérie et du Sanctuaire. Son père était médecin et sa mère, scur du chanoine Prud'homme, fut à l'origine de la création de l'Ecole Saint-Charles.

Sur les conseils du saint Curé d'Ars, il entra au Grand Séminaire de Saint-Brieuc, puis au Séminaire Français de Rome où, à Saint-Jean de Latran, il reçut, en 1863, l'ordination sacerdotale. Sous son impulsion, l'Archiconfrérie connut un grand rayonnement, et, le sanctuaire, les fastes des grandes solennités : La consécration, l'année du cinquantenaire (1898), son érection en basilique mineure le 1er juin 1903.

Trente fois il conduisit à Lourdes les pèlerins du diocèse et fut le promoteur du Calvaire des Bretons, érigé face à la basilique du Rosaire. En 1897 il créa le Messager de Notre-Dame d'Espérance, journal de bord des manifestations de l'oeuvre.

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«Trop processif», dira de lui une note du Ministère des Cultes pour l'évincer d'une stalle de la cathédrale sollicitée à son insu: il dut en sourire. L'honneur du canonicat lui fut donné en 1890 à l'arrivée de Mgr Fallières dans le diocèse. Plus tard, en 1908, il occupa une stalle au Chapitre (1).

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(1) Par une attention délicate de la Providence le chanoine Guillo Lohan occupait la stalle même dont son oncle, le fondateur, avait été titulaire du 8 février 1853 au 1er février 1887.
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D'autres honneurs lui furent accordés ; il était, par l'amitié de S.E.Mgr Chapon, vicaire général honoraire et chanoine de Nice. Mais tout ce qui pouvait, de près ou de loin, contribuer à la gloire de la «Bonne Vierge de Saint-Pierre» trouvait en lui l'ouvrier désintéressé, le prêtre à l'âme apostolique qui se jouait des obstacles et ironisait sur les difficultés.

Dans le dernier quart de siècle de sa vie, il présentait la douce et robuste silhouette d'un vieux recteur, aux traits accentués, ornée de boucles blanches, pleine de bonhomie, chargée de confidences, ayant pour chacun, grand ou petit, rencontré au hasard de sa popularité, le mot affectueux qui n'ignorait pas les misères et relevait les courages.

Pour tous, il était le Père Lohan, avec tout ce que ce terme familier pouvait comporter de confiance et de respect Je n'ai jamais senti tant de joie et tant de paix dans mon âme, disait-il à son frère la veille de sa mort. Il s'éteignit le 15 décembre 1911, jour octave de l'Immaculée-Conception, et son corps fut déposé dans le caveau funéraire près de son oncle.  Ils dormiront là leur dernier sommeil et ce sommeil sera troublé - ou plutôt non le murmure de la prière et les chants de la Basilique, disait Mgr Morelle dans son éloge funèbre. Leurs cendres tressailliront sous la dalle au bruit des pas des pèlerins du 31 mai et de ceux qui reviennent de Lourdes. Ils se diront : «Il y a des oeuvres que la mort respecte, parce qu'elles sont protégées et gardées par l'immortelle espérance; celle à laquelle nous avons voué toute vie est de ce nombre: 
Spes illius immortalitate plena est.»


LE CHANOINE JULES GADIOU

De même que le chanoine Ludovic Guillo Lohan reçut en dépôt, des mains de son oncle, le trésor des cuvres mariales qu'il avait constitué et qui devait prospérer et s'enrichir de grandes faveurs pontificales, de même le chanoine Jules Gadiou recueillit, à  son tour, une succession pour laquelle il était, semble-t-il, prédestiné. N'avait-il pas consacré les prémices de son ministère à Notre-Dame d'Espérance, et n'aimait-il pas à rappeler combien lui avaient été douces et prenantes ses premières années de chapelain de Notre-Dame, avant que la confiance de Mgr Fallières ne l'invitât à descendre la Côte Saint-Pierre pour partager, avec son frère Henri, les soucis de l'administration diocésaine, qui avait alors son siège au manoir de Quiquengrogne?

A la mort du chanoine Guillo Lohan, il remonta «la Côte». Dans les sillons, tracés par ses prédécesseurs, il s'inséra avec facilité, avec toute l'expérience que lui avaient donnée ses fonctions de secrétaire de l'Evêché. Fêtes, pardons et pèlerinages trouvèrent en lui un animateur zélé, un orateur au style direct, à la parole claire, aux gestes sobres. Son enveloppe charnelle, taillée à la plus juste mesure, recélait un grand coeur, toujours jeune, qui s'ingéniait à panser les âmes et à soulager bien des infortunes.

En 1919, Mgr Morelle, qui avait pour lui la plus grande estime, le désignait pour le poste de chanoine titulaire. Il fut un chanoine exemplaire, sachant allier ses obligations capitulaires avec ceiles de directeur de la Basilique de Notre-Dame d'Espérance. D'autres camails vinrent sur ses épaules: celui de chanoine honoraire d'Annecy, de chapelain d'honneur de Notre-Dame de Chartres et de Sainte-Anne d'Auray, de chapelain honoraire de Notre-Dame de  Lourdes.

Il fut l'organisateur des journées de prières aux temps des guerres atroces ; fut le témoin de la réalisation du Vou de l'ostensoir d'or et donna un lustre particulier aux fêtes des centenaires du mois de Marie et de la procession aux flambeaux. En 1926, il dut entreprendre de grands travaux pour combattre l'action du temps sur l'architecture fragile de la Basilique. Les clochetons en pierre tendre furent remplacés par des moulages en ciment, le tuffeau de la tour fut gratté et silicaté pour le rendre plus résistants aux vents de mer.  L'occupation allemande et ses exigences devaient avoir raison de son patriotisme et de sa sensibilité et son cœur fatigué eut à peine la force de franchir l'an nouveau: au soir d'une amicale visite chez un confrère du chapitre il cessa brusquement de battre. C'était le 19 février 1941.


L'ABBÉ FRANÇOIS PRUD'HOMME

Il entrait dans les desseins de la Providence d'associer intimement à l'oeuvre de son grand-oncle l'abbé François Prud'homme qui, depuis septembre 1928, avait pris la relève d'un chapelain. Collaborateur assidu de M. le chanoine Gadiou, il fut désigné en mars 1941, par l'autorité diocésaine, pour lui succéder.

Avec l'abbé François Prud'homme, comme temps des grandes calam la prière collective ne connaît nulle trêve dans la pieuse Basilique, parfois même, dans une atmosphère de catacombes, lorsque la lumière, par suite de coupures malencontreuses, disparaît brusquement. Il sera le réalisateur du voeu du Reliquaire en 1944, organisera la croisade des Ave pendant l'occupation, la pieuse caravane du Grand Retour à travers le diocèse en 1945, et il affermira les courages devant l'épreuve.

Il relèvera les ruines matérielles consécutives à la guerre: déjà plusieurs vitraux sont restaurés à la Basilique. Il donnera aux fêtes et pardons, aux cérémonies d'actions de grâces un relief nouveau. Un siècle s'achève, un siècle commence, le petit neveu se trouve à peu près dans les mêmes conjonctures que celles dans lesquelles se trouvait son grand-oncle. Si les divisions de 1848 se sont estompées au fil du temps, celles de 1948, vues sur le plan terrestre, semblent confiner au tragique, et les tensions internationales donnent le vertige. L'abbé François Prud'homme, sur l'inscription du fondateur, reprendra le stylet du graveur et devra, à l'aube du deuxième siècle de son histoire, porter plus profondément dans les cours et plus loin dans le monde chrétien la confiance en Notre-Dame d'Espérance.


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